Nous investissons dans la guerre, alors que nous souhaitons la paix. Selon les statistiques les plus récentes, la guerre en Irak aurait coûté 3 milliards de dollars aux États-Unis. Ce sont des dommages collatéraux ; Nous avions la mauvaise information, nous avons visé la mauvaise cible, nous nous sommes éloignés de ceux-là même qui nous avaient attaqués. Et cela a occasionné d’énormes pertes en vies humaine, en argent et sali notre réputation sans que personne en soit tenu responsable pour autant.
Mais au regard de ce que cela nous aura coûté, j’ose espérer que nous allons finir par tirer les leçons et comprendre à quel point la guerre n’a pas de sens.
Parlons à présent du monde arabe. De nos jours, toutes les communautés qu’elles soient arabe, européenne, africaine, asiatique et américaine partagent un destin commun et évoluent dans un seul et même monde.
Le président américain et ses conseillers ont suivi la chute de Ben Laden en temps réel. Nous suivons l’évolution des combats en Libye et en Syrie, en temps réel. Le fait est que, de plus en plus, nous évoluons dans un monde qui n’a de barrières que les océans, les montagnes et les langues.
Pendant longtemps, nous avons vécu en autarcie et cela nous a créé de nombreux problèmes. À présent, nous devons faire face a un plus grand défi; celui d’apprendre à vivre ensemble. C’est un défi plus grand que celui de vivre en autarcie mais encore bien plus gratifiant.
Il existe toujours des foyers tensions pendant que nous découvrons la laideur de la guerre, et que nous recherchons la paix.
La paix et la coexistence pacifique continuent d’être considérées comme étant utopiques et "pas suffisamment vigoureuses". Alors, nous ne nous y investissons pas à fond. Nous parlons sans cesse de paix et de justice mais, nous refusons d’appliquer un ensemble de règles qui leur sont inhérentes, notamment la redistribution des ressources et l’égalité des chances.
Le prophète Esaïe disait ceci, "Que l'on n'apprenne plus la guerre mais plutôt, à forger nos épées en socs de charrue et nos lances en faucilles." De même, j’inviterai les uns et les autres à transformer leurs armes de guerre en instruments au service du développement et, à faire émerger des scientifiques de la paix et non des scientifiques de la guerre.
Nous nous focalisons sur ceux qui utilisent les armes de guerre et ceux qui peuvent les acheter. Nous utilisons nos meilleurs scientifiques et notre technologie à faire la guerre au lieu d’investir dans la paix. Nous sommes tous fiers d’avoir envoyé l’homme sur la lune mais, nous n’abordons pas avec le même engouement les questions liées à la lutte contre la faim, le paludisme, le sida, les catastrophes naturelles.
Nous avons connu les terribles évènements du 11 septembre 2001. Les États-Unis ont été durement éprouvés et des milliers d’innocents y ont trouvé la mort. Nous avons par la suite assisté à la mort de Ben Laden le 01 Mai 2011. Mais à présent, ces deux évènements tragiques sont maintenant derrière nous.
La question qui reste posée est celle de savoir si nous pouvons agir autrement ? Ou encore celle de savoir si nous devons nous préparer à faire face à une prochaine vague de violences. Commençons par préférer la reconstruction à la vengeance et aux représailles. Il est dans l’intérêt commun de choisir un dialogue actif et constructif.
Nous abordons la démocratie avec de grandes théories et énormément de rhétorique. Mais en même temps, nous faisons le choix de la domination et de l’occupation sur celui de la croissance. Les États-Unis ont connu l'esclavage et la démocratie; la démocratie et l’absence des droits de la femme, la démocratie et l’exclusion des minorités. Lorsque les noirs américains se levèrent, et que la liberté souffla, ce n’était pas du communisme ou une quelconque intervention étrangère Cette liberté est née de notre quête pour notre propre dignité.
Lors du printemps arabe, j’ai été agréablement surpris de ne pas voir de drapeaux de pays étrangers être brûlés. Nous avons plutôt assisté à la rage d’une majorité de personnes instruites mais au chômage; à la fureur de nombreuses autres qui réclamaient d’être instruites. Et cela face à des gouvernements corrompus et portés sur la répression. Le désir de changement est légitime à tout point de vue.
Qu’est ce qui a changé au printemps arabe? Avec le temps, les esprits ont évolué, le niveau d’instruction a évolué, les uns et les autres sont de plus en plus avides de dignité et, les gens ont de plus en plus envie de prendre leur destin en main.
La Transformation mentale est irréversible. Le monde arabe ne sera plus jamais le même. Chaque pays sentira ce changement au plus profond de lui-même.
Le vent frais de la démocratie souffle sur le monde arabe. Il est irréversible et ne peut être contenu. Il ne faut pas en avoir peur, mais l’embrasser. Plus la base est grande, plus les fondements du peuple sont profonds avec des perspectives, plus le gouvernement est fort.
Une fois de plus, je dirai que de nombreuses personnes instruites mais sans emploi sont face à des dirigeants corrompus et portés vers la répression qui ne voient pas plus loin que le bout de leur nez.
Cela ne marchera jamais. Nous devons faire le choix de vivre sous une grande tente, tous ensemble, sans que personne ne soit laissé pour compte.
Par définition, la démocratie est le pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple, à tous les niveaux. Il s’agit de mettre l’un au service de tous et pas de nous mettre tous au service de quelques-uns.
Malheureusement, nous avons fait le choix d’une démocratie de façade, d’un pouvoir fortement centralisé, axé sur les avantages et autres privilèges, dans un système où une minorité dispose de tout et vit dans un luxe insolent à côté d’une majorité qui n’a rien ou presque rien. Une paix dans un vaste ensemble de jeunes instruits mais au chômage, cela est inconciliable avec les rêves démocratiques.
Des amis de classe et moi avons été arrêtés en 1960 alors que nous tentions de nous rendre dans une bibliothèque publique. À cette époque, un grand fossé séparait les victimes de l’exclusion raciale et du colonialisme d’une part et, leurs bourreaux d’autre part, notamment en Caroline du Sud, en Afrique du Sud et dans bien d’autres pays d'Europe et d'Asie.
De nos jours, le fossé sépare une vie d’opulence faite d’excès pour les uns et, une vie de misère faite de privations pour les autres. Les personnes de classe moyenne sont démunies. Le travail est externalisé vers les endroits ayant de la main d’œuvre bon marché. Les personnes de classe moyenne sont démunies et cela crée des tensions et souvent, elles deviennent des boucs émissaires.
La guerre conduit à la mort et à la désolation, pas à des seaux remplis d’or ou d’eau fraîche.
Les gouvernements répressifs, la misère, le désespoir et l’oppression ont favorisé la montée du terrorisme et de l'auto-immolation, comme moyen de lutte contre la domination des plus forts et des plus riches. Les murailles et les stocks d'armement ne peuvent pas mettre fin à la volonté de tuer et d’être tués au nom de la dignité humaine.
Quand le peuple est dos au mur, il se rebelle. Les extrêmes engendrent le pire.
Où allons-nous trouver la paix et l'ordre universel?
Une mondialisation qui fonctionne ?
Sur le terrain de sport par exemple, qu’il s’agisse des Jeux olympiques d'Atlanta ou d’Athènes, de Chine ou de Londres ou des compétitions sportives organisées au Qatar. Chaque fois que nous nous mettons sure une aire de jeu, les règles sont connues de tous, les objectifs sont clairs, les arbitres sont transparents et équitables, les gens travaillent dur et acceptent le verdict. Le gagnant part avec un sentiment de joie, le perdant reconnait sa défaite, mais chacun garde sa dignité, et finalement, tout le monde est gagnant.
Mais quand vous vulgarisez le capitalisme au seul profit de l'investisseur et, que vous ne vulgarisez pas les droits humains, les droits des enfants, les droits des travailleurs, les droits de l'homme, ou la sécurité environnementale, dans un monde plus que jamais interconnecté par des médias sociaux, cela ne pourra plus marcher.
Il existe quelques modèles exemplaires. Celui du Qatar par exemple qui utilise sa puissance économique pour tenter d’éradiquer le chômage. Ce pays tend la main et soutient les démocraties émergentes. Le Qatar a tendu la main à maintes reprises pour venir en aide notamment lors de l'ouragan Katrina aux États-Unis, de la crise humanitaire au Darfour en Afrique et en Haïti et, dans la lutte pour la liberté en Libye. Voici le vrai visage de la démocratie et de la justice sociale.
Notre politique étrangère dans notre monde global ne doit pas mettre de côté les principales valeurs démocratiques que sont le droit international, les droits humains, l'autodétermination, la justice économique, la transparence et l’émergence de dirigeants plus sensibles.
Aujourd'hui, dans les relations Nord-Sud, nous mettons trop d’accent sur les questions militaires, la construction de murs de séparation, de sorte qu’il ne reste plus rien pour financer le développement. Nous avons une telle propension à la violence comme outil de changement. Les bons officiers militaires sont décorés à titre posthume de galons, mais le nom des personnes qui se sacrifient pour le développement reste à jamais gravé dans la mémoire collective et dans l’histoire.
De nombreuses personnes nous ont donné le bon exemple en se servant leur propre souffrance comme arme de lutte. Parmi elles, je peux citer Gandhi qui a aidé l'Inde à surmonter la colonisation britannique, Rosa Park qui a contribué à la fin de la ségrégation raciale aux États-Unis, Nelson Mandela qui a lutté contre l'apartheid en Afrique du Sud.
C'est la révolution égyptienne, avec l'aide massive de la non-violence et de la coopération qui a mis fin à l'oppression, pour déclencher la cascade de mouvements révolutionnaires nationaux la plus impressionnante de notre époque.
Cela signifie qu'il existe une alternative à la violence et que la violence ne se contente que de détruire.
Trop souvent, nous pensons qu’il est naïf de recourir à la paix et que la guerre est une solution. Du coup certains choisissent la conquête au détriment de la recherche d’un compromis. Mais la clé de la paix est une répartition plus équitable des ressources et non le recours aux forces armées.
Enfin, il n'existe aucun substitut pour le leadership qu'est la force de caractère, le courage et la transparence. Le président Obama possède ces valeurs fondamentales mais fait face à une opposition farouche. Je vois en lui un homme plein de bonne volonté, de courage et de convictions, un travailleur, un rassembleur et, un défenseur du dialogue interreligieux et de l'unité opérationnelle.
Le président Obama possède toutes ces valeurs, mais fait face à une opposition farouche de toutes parts: il est attaqué sur sa probité, ses convictions religieuses, son lieu de naissance, ses diplômes, ses motivations et son idéologie. Mais comme un aigle, il garde une hauteur d’esprit et refuse de tomber dans la bassesse.
Nos problèmes ne sont pas prêts de finir. Les milliardaires sont de plus en plus nombreux, leur nombre étant passé de 300 à plus de 1000. Autrement dit, nous assistons à une extrême concentration des richesses.
Nous avons renfloué les banques sans exiger d’elles de prêter et de réinvestir. Les prix des maisons ont explosé à la suite de la crise de l’immobilier. Nous avons offert des avantages fiscaux aux plus riches. Nous sommes engagés dans trois conflits armées.
Le président Obama a une boussole morale élevée, mais il a besoin d'être soutenu pour relever les nombreux défis nationaux et internationaux.
Le printemps arabe va devenir l'été arabe puis l'automne et l'hiver arabes jusqu'à ce que le printemps revienne, quand nous verrons pointé à l’horizon, une ère de justice. Lorsque tout le monde aura la sécurité économique, la justice, l'éducation, l’égalité des chances, la possibilité de subvenir à ses besoins et un système de santé pour les enfants.
Ce jour-là, les puissants lions pourront coexister avec les doux agneaux.
Je sais ce qui a changé au printemps arabe.
Un refus d’accepter la corruption, une aspiration profonde et indéfectible à la démocratie et la volonté de se battre pour défendre ces valeurs. Au plus profond de nos âmes, nous partageons tous cette soif de la démocratie. Sur tous les continents, dans toutes les langues et les cultures, nous partageons cette aspiration à la liberté et à la dignité. Nous devons donc nous armer de courage et avancer avec espoir et ne plus jamais reculer par peur.
Gardons espoir !